Un soir de retrouvailles et de "total relax", pataugeant dans les eaux claires de la mer de Chine à la lueur de la pleine lune, on s'est dit... et pourquoi pas?

 

Pourquoi ne pas faire, à moto, le trajet entre notre bonne vieille Europe et cette Asie si envoûtante. Pourquoi ne pas voir de nos yeux toutes ces merveilles, toutes ces cultures que nous survolons d'habitude. Et surtout, pourquoi ne pas se donner la chance et les moyens de le faire...ne serait-ce qu'une seul fois !

 

C'était une nuit de juillet 2009, quelque part au royaume de Siam ....

CAP EAST 2011 CAP EAST 2011 20 Pays en moto
150 jours sur les routes de l'Europe à l'Asie
NOS PARTENAIRES
TADJIKISTAN

Dushanbé

 

 

Arrivés à Dushanbé tard le soir depuis Samarkande, nous prévoyons une courte nuit afin de partir top le matin pour les routes du Pamir.

 

Nous avons à ce moment un jour d'avance sur notre "General Trip-Plan", mais il est prévu que nous le perdions rapidement vu le parcours choisi par la haute route du Pamir, voie non prévue à la base. De plus nous décidons de prendre un certain recul et certaines largesses sur notre planning car nous n'irons pas au Japon, c'est décidé. A quoi bon, au vu des événements survenus là-bas il y a peu de temps, nous emprunterons un autre itinéraire entre Vladivostok et l'Asie du Sud-Est, nous verrons ça en temps voulu.

 

Le lendemain matin, lorsque nous chargeons les bagages sur les motos, Crothe s'aperçoit que la fixation de son top-case et rompue, impossible de partir ainsi, surtout que nous ne connaissons pas les routes qui nous attendent et la prochaine ville d'importance où ne devons nous rendre et à 8 jours de route.

 

La journée sera donc consacrée à cette réparation et nous en profitons pour une dernière petite révision mécanique et électrique de nos machines.

 

Problème électrique récurant sur la Suzuki à Crothe, on démonte et on met à nu une partie du câblage des alimentations supplémentaires, et là..ooohh surprise! le fil rouge sur le fil noir...! C'est ça quand on a un mécano daltonien. Merci Francesco! De plus le filtre à air de rechange, toujours pour la Suz' n'est pas le bon..merci Olivier!..et on s'arrête là, car la liste est encore longue...

La Haute Route du Pamir

 

 

La "Pamir's HighWay" est, parait-il, l'une des plus belle route au monde. Sillonnant le Pamir, longeant les frontières de l'Afganistan et de la Chine, grimpant à plus de 4'600m d'altitude et entourée de sommets dépassants largement les 7'000m, on ne peut pas s'empêcher, il faut qu'on l'emprunte...absolument!

 

Les bécanes sont fin prêtes, réserve d'eau, de nourriture, de carburant faites, nous sommes également fin prêts.

Nous quittons Dushanbé sous un un ciel clair..chaleur estivale. 150km plus loin, nous bifurquons sur la droite et entrons dans le Pamir. Là le temps se gâte. La pluie et le froid sont au rendez-vous, mais nous continuons encore 100 km sur une route sans bitume, bordée à gauche comme à droite de falaise et de talus vertigineux, plongeant en contre-bas dans le fleuve couleur ocre. Ici à cette saison, la pluie et la fonde des neiges font des ravages, les glissements de ce terrain friable, les éboulements sur la route et les passages de rivières formés par cette accumulation d'eau sont constants.

 

photos ci-contre :

La route du Pamir a été construite par les soviets dans une région où il est quasiment impossible de circuler. La preuve, il ne reste que quelques vestiges russe comme ce pont, le reste de la route est complètement détruit et le tracé actuel file au gré des éboulements et glissements de terrain.

 

A la tombée de la nuit, nous faisant halte chez l'habitant, au bord de la route. Une gentille famille vivant ici, isolée de tout, avec 7 enfants..! eh oui, les longs hivers et les jours de grande pluie il faut bien s'occuper.. ;-)

Après un bon repas traditionnel, biquette of course et petit bocal de caviar emporté de Dushanbé, nous passons la nuit dans une petite maison attenante à celle de nos hôtes. Ca ne pouvait pas mieux commencer, on est aux anges, mis à part le temps qui s'annonce très humide pour les prochains jours.

En fait, on est en pleine saison des pluies dans cette partie du Tadjikistan, et on l'apprendra à nos dépends, la "Pamir's HighWay" n'est franchissable qu'en juillet et août, à moins de faire le parcours en grosse Jeep ou en camion 4x4.

 

Photos ci-contre :

Nos hôtes et leur refuge au milieu des montagnes, dans cette terre rouge omniprésente

 

Matin pluvieux matin heureux! c'est sous la pluie que l'on quitte notre crêche et reprenons la route, de plus en plus glissante et scabreuse. On n'a pas intérêt de se louper car ici l'erreur ne pardonne pas, c'est direct au fond du ravin dans le fleuve que nous risquons de finir en cas de déconcentration. Dommage que l'on a plus la petite camera Go-Pro, volée plus tôt en Iran, pour filmer ces passages délicats.

 

Deux heures et 70 km plus tard, après avoir franchis déjà plusieurs rivières sans ponts, nous voilà devant un passage particulièrement périlleux. Nous attendons de voir passer un premier véhicule, essayons de juger la profondeur d'eau, la force du courant. Une jeep arrive, suivie d'une seconde. Les deux passent mais sont bien secouées et à certains endroit nous estimons la hauteur d'eau à 50cm. Bref, moi je ne suis pas chaud au vu de la rapidité du courant et de toute l'informatique que j'ai dans les bagages, mais Crothe, armé de sa Suz' inarrêtable, décide de traverser.

 

Enfin, ce qui était inévitable arrive, Crothe pique une tête et la moto avec.

Le risque est de voir la Suzuki partir avec le courant. Nous la maintenons tant bien que mal. Une fois bloquée contre un rocher, rien à faire d'autre, nous attendons l'arrivée d'une prochaine jeep ou camion car il est impossible de sortir la bécane de là à la main.

 

L'arrivée d'un mini-van nous permet de treuiller la moto jusqu'à une rive de la rivière. Les occupants du véhicule nous apprennent qu'il y a encore plusieurs passages identiques et même pire un peu plus loin sur la route de Khorough, notre destination de la journée. Ils nous expliquent qu'en temps normal, la route à ces endroits est sèche, mais qu'à cette période de l'année, les pluies et la fonte des neiges créent de véritable torrents...ça on l'avait compris..un peu tard ;-)

 

Bilan de la tentative: la Suzuki redémarre par miracle, mais elle est recouverte de limon et l'ensemble des bagages et leur contenu est détrempé, couleur ocre en plus...sympa la teinture "made in Pamir". Le plus embêtant c'est que le sac réservoir est parti avec le courant, impossible à retrouver. Il contenait le guide de voyage, des câbles d'ordinateur, certaines cartes de la région etc.. ainsi que le système de communication qui ne fonctionne plus.

 

Aucunes autre solutions que de faire marche arrière :-(  On oublie la Route du Pamir, ses hauts sommets et ses vues uniques. On remonte sur nos engins direction Dushanbé, afin de se sécher et de faire une inspection et un nettoyage bien mérité de la moto à Crothe.

800 km pour rien...

 

 

Nouveau départ de Dushanbé, cette fois-ci en direction Est-Nord-Est, par le Nord du Pamir, pour rejoindre la ville de Sary-Tas au Kirgistan. Depuis Dushanbé environ 400 km nous séparent de la frontière kirgize. Nous parcourons 300 km le premier jour puis trouvons un endroit où planter notre tente, un peu à l'écart de la route. On termine de monter notre abris à la nuit tombée. Le temps de se faire chauffer un p'tit plat, pour sûr sans mouton ou autre biquette cette fois, et on passe une courte nuit pluvieuse.

 

photos :  TD-12 ; TD-13 ; TD-14 ; TD-15

 

Café sur le pouce le matin, et c'est repartis, jusqu'au poste frontière

 

photos :  TD-16 ; TD-17 ; TD-18

 

1.5 heure de route et nous y sommes. Premier check-point de la douane. Nous donnons nos papiers et attendons que les policiers nous enregistrent. Quelques minutes se passent, un des militaire présent reçois un appelle radio puis, tous observent, au loin un véhicule blanc s'approcher. Le militaire ressort de son cabanon, deux carabines à la main, charge les magasins de cartouches et tend une des carabine au policier le plus proche de lui. Ce dernier demande à quelques enfants venus voir les motos de déguerpir au plus vite, fait signe à Crothe de suivre les gamins et me fait signe de rentrer dans son cabanon et de ne pas y bouger.

 

Oups... "mais qu'est-ce qu'on fait ici..?"  Quelques minutes se passent, puis je peux ressortir du cabanon et Crothe reviens également. Fausse alerte heureusement, mais on ne saura pas de quoi il s'agissait.

 

L'enregistrement de nos papiers terminé, on continue jusqu'au poste de douane, et là on apprend que ce poste frontière est fermé aux touristes, seuls peuvent passer les camions de marchandises. Les douaniers Tadjikes, eux, nous autorisent à quitter le pays mais nous informe que les chances de pouvoir entrer au Kirgistan sont quasi nulles. S'ils tamponnent nos passeports, alors nous serons bloqués entre les deux postes frontières, en plein no-mans-land. Un des boss me propose alors de l'accompagner jusqu'aux douaniers kirgize, sans apposer le tampon de sortie sur mon passeport, afin que je puisse leur parler de vive voix et ainsi tenter ma chance, ce que je fais. Je pars en voiture avec deux militaires, et reviens une heure plus tard, bredouille... les kirgizes ne veulent rien savoir. Bullshit..!

 

L'Ultime douane

 

 

Première tentative pour passer au Kirgistan par le centre du Pamir:  route infranchissable. Deuxième tentative par le Nord du Pamir: douane fermée. C'est peu dire, mais on commence a devenir quelque peu impatients.

Reste à faire demi-tours, à nouveau, direction Dushanbé et à retrouver notre hôtel communiste favoris. Ils vont bien rire là-bas, en nous voyant rappliquer pour la troisième fois ;-)

 

Les 400 km du retours sont avalés en un temps record, rapide douche après une nuit sous tente, et nous nous faisons un bon resto italien, histoire de se remonter le moral ;-)  ...la bonne excuse!

 

La troisième tentative sera la bonne, et de toute façon c'est la seule douane restante avec la Kirgistan. Et ça n'a pas été facile...

On repart pour la ennième fois de Dushanbé, mais direction plein Nord cette fois-ci.

Au programme de la journée, 470 km, deux cols à plus de 3'000m et pour couronner le tout la pluie et la neige sont de la partie.

 

Nous passons le premier col sans difficulté, mais l'ascension du second se fait en "off road". Pas de route mais une piste boueuse et caillouteuse, nous amenant à plus 3'400m d'altitude en pleine tempête de neige.

On arrive enfin au dernier village tadjike avant la frontière à 23h. Là, grosse hésitation, est-ce que l'on dort sous un arrêt de bus, est-ce que l'on va jusqu'à la douane ou est-ce qu'on cherche un hôtel..?

 

Petit tours à moto dans le village endormi et soudain on se fait brutalement accoster par une voiture civile. En sortent un flic et un civil, tout deux n'ayant certainement pas sucé que des glaçons durant la soirée. Ils nous prennent quelque peu à parti puis commencent à devenir aimables quand ils voient et comprennent que nous sommes à la recherche d'un gîte pour la nuit, et qu'on est gelés et détrempés. En fait, ces deux gars sont des policiers du coin, et ils réveillent les deux hôtels du village afin de nous trouver un lit et une place où parquer les motos pour la nuit.

 

Dans le deuxième hôtel je jette un rapide coup d'oeil à la chambre qui nous est proposée, un mec y dors déjà. C'est pas un problème pour nous, mais la chambre est dans un tel état de saleté que je décide de dormir dans le hall d'entrée de l'hôtel, un semblant de réception. C'est toujours mieux que la chambre, et Crothe est en accord avec moi choix.

Nous prenons nos sacs de couchage plutôt que les couvertures que la babouchka nous propose, toujours histoire de propreté. On est pas pénibles, mais là..c'est hors de nos limites :-/

 

Les deux flics ont de la peine à repartir et à nous laisser dormir, ils veulent boire encore un verre avec nous, mais finalement, à 2 heure du mat, on est en paix, on peu dormir un brin.

Tôt le matin du second jour on repart pour les quelques kilomètres qui nous séparent du Kirgistan, persuadés que nous sommes d'être au poste frontière en quelques dizaines de minutes.

C'est sans compter que nos cartes topo soviétiques datent des années 70 et que les frontières ne sont plus au même endroit maintenant.

 

On tourne en rond, on se perd, et finalement on se retrouve à un check-point de police. Contrôle de nos papiers et ils nous laissent repartir sur une longue route caillouteuse. 15 km plus loin, ne voyant toujours pas le poste frontière, nous quémandons des informations à un chauffeur de camion qui nous dit que nous sommes déjà en territoire kirgize.

Oups... bizzar.. nous on a pas vu de poste frontière. Etrange pourtant dans un pays complètement fliqué où tout est contrôlé que nous puissions en sortir sans passer par la case "douane"...! En fait, au check-point précédent c'était déjà des policiers kirgizes et non pas tadjikes, et ils n'ont rien vu à nos passeports sans tampons d'entrée sur leur territoire.

 

Pour nous ça ce complique. Il faut maintenant qu'on retourne au Tadjikistan pour faire tamponner nos passeport de sortie et d'entrée au Kirgistan. Allez expliquer à un douanier qu'on rentre dans son pays pour obtenir un tampon de sortie, pour le Tadjikistan, et pour le Kirgistan qu'on en sort pour avoir le tampon d'entrée...  Vous avez de la peine à comprendre?...les douaniers eux aussi ont eu certaines difficultés :-)

 

Retour donc sur nos pas jusqu'au check-point. Les policiers un peu surpris ne comprennent pas bien notre problème mais nous indique, grosso-modo la route à suivre pour arriver à ce fameux poste frontière.

Une fois sur place, nous expliquons notre cas à un premier douanier kirgize qui n'y comprend rien et nous envoie auprès d'un second, lequel fait de même, et après avoir expliqué et ré-expliqué le pourquoi de notre présence à cette douane à plusieurs policiers nous finissons chez le boss... une fois de plus :-)  Maintenant les boss des douanes ça nous connais ;-)

Lui parle bien anglais, comprend assez vite notre situation et nous invite à ne pas retourner en territoire tadjike, cela compliquerai les choses selon lui. Sans autres formalités, il appose les tampon d'entrée au Kirgistan sur nos passeports et nous voilà en règle, sans pour autant être ressorti officiellement du Tadjikistan.

 

En fait, le Tadjikistan ne nous laissera pas un souvenir impérissable, certainement faute au temps exécrable que l'on a eu tout au long de notre séjour ici, faute aussi à tous ces check-points et contrôles fliqués. Mais nous y avons aussi rencontré des gens chaleureux et d'une grande gentillesse, comme la jeune et très charmante Niluchia qui m'a invité dans sa famille pour partager leur repas du soir, ou encore ce jeune jardinier de l'hôtel qui quitte son poste de travail pour accompagner Crothe, durant plusieurs heures, afin de faire réparer sa moto. Et bien sûr notre famille hôte dans le Pamir qui nous a invité les bras grands ouverts pour passer la nuit chez eux.

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